La chapelle des pénitents. Une longue histoire… vers un musée éphémère
Le 18 janvier 1654, Charles de Simiane et René de Baron, co-seigneurs de Mollans, accompagnés de 30 ou 40 habitants du village, créent une confrérie de pénitents et, « supplient humblement » l’évêque de Vaison d’en autoriser l’érection canonique et de permettre la construction d’une chapelle particulière. La confrérie, portant l’habit blanc, est hébergée tout d’abord à la tribune de l’église paroissiale Notre-Dame de la Lauze, qui se trouve pour lors à la place du parvis et du presbytère actuel. Quatre ans plus tard, en 1658, la construction est achevée. Une pierre en remploi sous la tribune en rappelle le souvenir.
Cette première phase donne une chapelle toute simple, avec un clocher en façade sur la place Haute. Elle avait alors une toiture à deux pentes (le presbytère n’existait pas) et prenait le jour par quatre fenêtres. Celles donnant sur la Grande rue ont été bouchées lors de la construction de la sacristie et des archives de la commune qui communiquaient avec l’église.
Il faut attendre 1675 pour que les statuts de la confrérie soient transcrits dans le registre de la confrérie. Dès lors, avec une organisation plus formalisée (48 officiers en 1759), les aménagements et embellissements de l’édifice vont se succéder.
La nef de la chapelle est boisée en 1717 après nivellement du sol (le rocher n’est pas loin).
En 1719, Jacques Chanousse et Claire Javel fondent pour 3000 livres une chapellenie sous le titre de Notre-Dame de Pitié, dont la rente permet de disposer des services d’un chapelain particulier. Les adhésions se multiplient (200 membres). Si bien qu’en 1743 les confrères décident d’agrandir leur chapelle. L’entreprise est coûteuse ; les confrères abolissent les dons de brassadeaux que les recteurs offraient au début de leur rectorat pour le remplacer par un don en argent. La convivialité méridonale en prend un coup ! Cet agrandissement se traduit par une tribune qui occupe une partie de la place Haute et couvre le haut de la rue du Colombier. Une rampe en fer forgé, dont nous n’avons conservé, hélas, que le prix fait, clôture cette tribune en 1746. Un ensemble de petits casiers en noyer, destinés à conserver les habits des pénitents (les « bourras ») et leur livre de messe, sont installés (inscrits à l’ISMH, 1996). ils sont aujourd’hui en fort mauvais état.
Le clocher est déplacé sur le côté de l’édifice et la toiture remodelée avec une seule pente. La porte d’entrée, est certainement la porte originelle (inscrite à l’ISMH, 1996).
La chapelle est décorée en 1751. Huit cadres en plâtre prennent place sur les murs de la tribune. Des moulures à oreilles chantournées décorent enfin les plafonds de la tribune et de la nef.
Quatre caveaux sont creusés dans le rocher pour recueillir les dépouilles de pénitents. Le premier y est enseveli en 1768. Ces pénitents y sont encore – une trentaine, même si le curé des années 1950 a bouleversé les caveaux lors des aménagements d’une salle paroissiale qui ont détruit la tribune, les boiseries, le retable, les fenêtres, la rampe du choeur et dilapidé le mobilier, dont la rampe de la tribune (certainement aujourd’hui dans quelque demeure bourgeoise de la région). L’autel, le tableau de Notre-Dame de Pitié, les statues, le ciborium, la gloire sont dispersés dans l’église paroissiale.
La Révolution supprime la confrérie en 1792 ; sa cloche est fondue et la chapelle vendue en 1796 comme bien national, puis rachetée par 11 confrères. La confrérie se rétablit en 1805, une fois les tourments révolutionnaires apaisés. Un nouveau retable est mis en place en 1825 et les moulures en plâtre, originellement en bleu et rouge, retrouvent la discrétion d’un gris foncé.
Lorsque le presbytère est construit en 1828, la masse du nouvel édifice bloque le son de la cloche. Il est rehaussé en 1858.
La fin du XIXe siècle voit l’affaiblissement de la dévotion et la confrérie s’arrête faute de… pénitents vers 1874 !
À partir de là, délaissée puis dégradée – volontairement ou non – la chapelle va s’approcher de la ruine complète. En 1974, les Amis de Mollans tirent la sonnette d’alarme et attirent l’attention sur cet édifice, dont la démolition pourrait améliorer – soi-disant – le stationnement automobile au cœur du village.
En 1985, un projet partiel de réhabilitation permet la réfection de la toiture et de la tribune, la remise en état des fenêtre, puis l’installation d’une salle d’exposition, la création d’une bibliothèque de lecture publique et la conservation des archives communales sur la tribune. Depuis 2010, la chapelle est dédiée essentiellement à des expositions.
Mais le « job » n’est pas achevé. Faute de financements, la restauration des casiers, la mise en peinture des murs, moulures et décors du XVIIIe siècle n’ont pu être achevées. C’est pourquoi un nouveau projet de diagnostic a été mis en place, en collaboration avec le Parc des Baronnies, en espérant, qu’enfin, notre vœu de 1974 soit réalisé : « Il faut agir… Vite », telle était la conclusion de notre article en 1974. C’est ce qu’on appelle le principe de la Relativité !
Et maintenant, en route vers un musée éphémère, qui, espérons-le, durera plus longtemps que la confrérie…
J.-F. Colonat